LA VACCINATION DE L’ENFANT MINEUR : EXCEPTION A L'AUTORITE PARENTALE ?
Le Tribunal de la famille de Namur a rendu une décision essentielle et actuelle.
Le jugement prononcé le 7 janvier 2021 fournit l’occasion d’une actualité toute particulière, dans le contexte des programmes de vaccination mondiaux contre le Covid-19, et permet de faire le point sur la question de la vaccination en droit belge.
La décision de faire vacciner un enfant mineur relève de l’exercice conjoint de l’autorité parentale mais il y a lieu de s’en référer à la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient qui apporte un tempérament important à cette autorité en exigeant que le mineur soit associé à la décision et même, en permettant l’exercice autonome de ces droits par le mineur doté de discernement.
L’administration d’un vaccin est un acte médical qui entraîne une atteinte à l’intégrité physique et ne peut être posé sur un mineur d’âge qui a atteint l’âge du discernement et qui n’y consent pas.
C’est en ces termes que le tribunal résume la situation du cas d’espèce. Dans l’affaire analysée, la situation met en scène des parents séparés, exerçant tous deux l’autorité parentale sur leur fille de 15 ans, et opposés sur l’administration du vaccin HPV à cette dernière.
Le raisonnement du tribunal
En l’espèce, le père de la jeune fille mineure demande qu’un médecin soit autorisé à administrer le vaccin HPV à l’enfant commun des parties. La mère s’y oppose. A l’heure actuelle, seul le vaccin contre la poliomyélite est obligatoire en Belgique. Le vaccin HPV est seulement recommandé.
Conformément aux articles 373 et 374 du Code civil, la décision de faire vacciner un enfant commun mineur relève incontestablement de l’autorité parentale. Les parents doivent consentir tous les deux à l’autorisation de la vaccination.
Le tribunal met en évidence que la vaccination est un acte médical, comme le précise l’article 2§ 1 de l’Arrêté Royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions de soins de santé.
Droits du patient
La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient confirme, en son article 12, le principe général selon lequel « si le patient est mineur, les droits fixés par la présente loi sont exercés par les parents exerçant l’autorité sur le mineur ou par son tuteur ». Cependant, et c’est ce qui nous occupe tout particulièrement in casu, le paragraphe 2 de ce même article, introduit deux tempéraments fondamentaux :
- « Suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l’exercice de ses droits. »
- « Les droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécié raisonnablement ses intérêts ».
Capacité de discernement du mineur
Selon la juridiction en cause, il est fondamental de souligner qu’il ne faut pas s’arrêter à l’incapacité juridique du mineur puisqu’il s’agit de prendre une décision qui touche intimement la personne en son corps. Ainsi, en application de l’article 1004/1, du Code judicaire, le juge décide d’auditionner l’enfant mineur. Sur base de différents critères tels que l’âge ou encore la nature de l’intervention, le juge tranchera. Il convient dès lors d’apprécier chaque cas d’espèce si et si oui, l’association du patient mineur revêtira d’une quelconque importance dans le choix de la vaccination.
La pierre angulaire du cas d’espèce réside dans la capacité de discernement de l’enfant mineur qu’il convient d’apprécier in concreto. Le jugement relève que « dès lors que l’enfant est doté de cette capacité, le patient mineur doit être associé à toute décision relative à un acte médical à poser sur sa personne ».
En effet, la juridiction namuroise affirme qu’il ressort des éléments de la cause, que la jeune fille de 15 ans est dotée d’une bonne capacité de discernement. Il ressort par ailleurs de son audition, qu’elle est « très mûre pour son âge et parfaitement capable de s’exprimer ».
Le juge familial propose une solution paraissant a priori classique, en appliquant les règles de l’article 12 de la loi du 22 août 2002 à la mise en œuvre du droit du consentement libre et éclairé à l’intervention en cause. Le droit de consentir librement à toute intervention, après information préalable étant contenu dans l’article 8 de la loi du 22 août 2002. Selon la juridiction en cause, administrer un vaccin constitue immanquablement une intervention au sens de l’article 8 qui requiert le consentement.
Ainsi, aux termes de l’audition de la jeune fille, il conclut au rejet de la demande du père de la voir être vaccinée contre le HPV car il estime qu’elle est dotée de la capacité de discernement. Elle doit dès lors être associée à la décision et puisqu’elle n’est pas favorable à cette vaccination, doit être suivie dans ses souhaits. La jeune mineure s’oppose de manière libre et éclairée à l’inoculation du vaccin. C’est ainsi que son père sera débouté du chef de sa demande.
L’analogie au Covid-19
Les arguments mobilisés quant à une obligation future de la vaccination ressurgissent à l’occasion de la pandémie mondiale. En effet, la vaccination contre le Covid-19 a été ouverte depuis l’été 2021 en Belgique, d’abord aux jeunes de 16-17 ans et ensuite aux mineurs de 12-15 ans. Pour ces derniers, il est souligné « la grande importante que revêt l’implication du mineur dans la prise de décision ».
Malgré la différence de traitement entre classes d’âge, il est essentiel de souligner l’implication fondamentale du patient, quel que soit son âge, dans le processus de vaccination. Nous l’aurons constaté dans le cas d’espèce.
La vaccination contre le Covid-19 polarise, non seulement au sein des familles mais également au sein de secteurs professionnels particulier ou de la société en général. Néanmoins, les discussions ont abouti à un véritable avènement de la notion de capacité de discernement du mineur qui existe en dépit de sont incapacité juridique et doit être évaluée au cas par cas en fonction de la personne concernée et dans chaque situation déterminée. Le pouvoir d’avis, voire de décision, est reconnu de façon croissante aux enfants, au fur et à mesure de leur évolution, et particulièrement concernant l’atteinte à l’intégrité physique.
Novembre 2021 / Sarah WINDEY
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